Brad Mehldau & Ian Bostridge
the folly of desire
Bienvenue au Klarafestival !
Festival van Vlaanderen Brussel, Klara et nos partenaires sont heureux de vous accueillir à nouveau. « I believe audiences aren’t just listening. They are actively contributing », confiait l’artiste du festival, Barbara Hannigan, dans une interview. Un concert, c’est une interaction entre le public, les artistes et tous ceux et celles qui, sur scène ou en coulisses, participent à la magie de ces moments. Ensemble, nous faisons corps avec la musique. Become Music !
Cheffe d’orchestre et soprano, Barbara Hannigan est un grand nom de la scène internationale. Avec elle, la musique classique prend la forme d'une expérience moderne à part entière. C'est une source d’inspiration pour le Klarafestival, le plus grand festival radio du pays. Ses multiples talents et ceux de nombreux artistes belges et internationaux, qui relient le passé et le présent par des récits musicaux, vous feront indéniablement vibrer.
Le Klarafestival commencera en force avec Hannigan au pupitre et en soliste avec le London Symphony Orchestra. Ensuite, on la verra et entendra avec des jeunes musiciens participant à son projet de mentorat Equilibrium Young Artists. Quelque 25 concerts mettront en avant des ensembles talentueux, tels que Les Talens Lyriques, le City of Birmingham Symphony Orchestra avec Mirga Gražinytė-Tyla et Vilde Frang ou le St. Louis Symphony Orchestra avec Víkingur Ólafsson. Le Klarafestival encourage aussi la création. Le ciné-concert Reich/Richter mêlera les tableaux de Gerhard Richter à la musique de Steve Reich. La surprise sera encore au rendez-vous dans la création Counterforces du compositeur Frederik Croene sur un texte de la poète Dominique de Groen ou dans la production de théâtre musical Prey du metteur en scène Kris Verdonck sur une musique composée par Annelies Van Parys.
Ces concerts et tous les autres ne pourraient avoir lieu sans la collaboration de nos partenaires culturels : Bozar, Flagey, Kaaitheater, Théâtre Varia, Muntpunt, Concertgebouw Brugge et De Singel. Nos remerciements vont aussi à nos partenaires privés KPMG, Proximus, Brasserie Omer Vander Ghinste, Belfius, Interparking et les joueurs de la Loterie nationale. Nous sommes reconnaissants du soutien de la Communauté flamande et de la Région de Bruxelles-Capitale. Et enfin, merci à Klara et à la VRT : il n’y aurait pas de festival radio sans leur précieux appui.
Joost Fonteyne
Intendant Klarafestival
Brad Mehldau, piano
Ian Bostridge, tenor
co-production Klarafestival, Bozar
broadcast on Klara (live)
presentation by Greet Samyn
flowers provided by Daniel Ost
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Brad Mehldau (°1970)
The Folly of Desire (2019)
- The Sick Rose (William Blake)
- Leda and the Swan (William Butler Yeats)
- Sonnet 147 (William Shakespeare)
- Sonnet 75 (William Shakespeare)
- Über die Verführung von Engeln (Bertolt Brecht)
- Ganymed (Johann Wolfgang von Goethe)
- Ganymede (W.H. Auden)
- the boys i mean are not refined (e.e. cummings)
- Excerpt from Sailing to Byzantium (William Butler Yeats)
- Night II, from “The Four Zoas”, The Wail of Enion (William Blake)
- Lullaby (W.H. Auden)
Robert Schumann (1810-1856)
Dichterliebe, op. 48 (1840)
- Im wunderschönen Monat Mai
- Aus meinen Tränen spriessen
- Die Rose, die Lilie, die Taube, die Sonne
- Wenn ich in deine Augen seh'
- Ich will meine Seele tauchen
- Im Rhein, im heiligen Strome
- Ich grolle nicht, und wenn das Herz auch bricht
- Und wüßten's die Blumen, die kleinen
- Das ist ein Flöten und Geigen
- Hör' ich das Liedchen klingen
- Ein Jüngling liebt ein Mädchen
- Am leuchtenden Sommermorgen
- Ich hab' im Traum geweinet
- Allnächtlich im Traume seh' ich dich
- Aus alten Märchen winkt es
- Die alten, bösen Lieder
Brad Mehldau : un portrait musical
Playing Changes, l’ouvrage sur le jazz contemporain écrit par le critique de jazz Nate Chinen pour le New York Times, consacre un chapitre entier à Brad Mehldau. Il est intitulé From This Moment On, un clin d’œil au standard de Cole Porter qui figure sur Introducing, le premier album de Mehldau, signé en 1995 chez Warner Bros. La reprise de ce morceau emblématique confirme l’ancrage du pianiste dans la tradition du Great American Songbook et du jazz, mais aussi sa volonté de s’approprier résolument ces traditions, en mêlant techniques personnelles et contemporaines. From This Moment On marque clairement un tournant dans l’histoire du jazz, au point que l’on puisse parler d’un « avant » et d’un « après », tant Mehldau a profondément influencé le genre.
Au début des années 90, la scène jazz est encore largement dominée par les « Young Lions », de jeunes musiciens extrêmement prometteurs qui, dans le sillage du phénoménal succès commercial et critique du trompettiste Wynton Marsalis, s’inscrivent dans le courant néoclassique du jazz. Le saxophoniste alto Christopher Hollyday est l’un des enfants prodiges de cette génération. Alors qu’il n’a que sept mois de plus que Mehldau, il s’occupe de la première session d’enregistrement du jeune pianiste en 1990 et de sa première tournée en Europe en 1991. Le saxophoniste Joshua Redman est plus connu – et sa carrière s’inscrira aussi davantage dans la durée, comme l’avenir le montrera. En 1993, il forme un quartette avec Mehldau, le bassiste Christian McBride et le batteur Brian Blade. Six ans auparavant, Mehldau avait quitté Jacksonville (Floride) – où il est né en 1970 – pour New York, où il s’était installé pour se former auprès de Fred Hersch. Le pianiste de jazz a tôt fait de devenir un sideman très prisé, apprécié du guitariste Peter Bernstein, du saxophoniste alto Jesse Davis et du batteur légendaire de Miles Davis, Jimmy Cobb. Mais il faut attendre MoodSwing de Redman (Warner Bros.) pour que le pianiste sorte définitivement de l’ombre.
Mehldau décide de signer sur ce même label et sort un deuxième album, Introducing Brad Mehldau, qui met clairement en avant la nouvelle voie qu’il a définie pour lui-même et son trio et qui deviendra le pivot de sa créativité au cours de la prochaine décennie. Comme le souligne Chinen, l’album s’ouvre sur un staccato pénétrant, comme si quelqu’un tambourinait à la porte, piaffant d’impatience, pour que celle-ci s’ouvre sur le futur. Ce staccato est l’ouverture d’une variation très particulière sur le « It Might As Well Be Spring » de Rodgers et Hammerstein, un standard du jazz qui faisait déjà partie du répertoire de chanteurs légendaires, comme Sarah Vaughan, Frank Sinatra ou Ella Fitzgerald, et qui avait aussi été immortalisé par des instrumentistes, tels que le pianiste Bill Evans ou le trompettiste Clifford Brown. La mesure 4/4 très régulière – de rigueur dans le jazz – devient ici une mesure 7/8 pénétrante et au rythme instable. Si Mehldau s’inscrit dans la tradition du piano jazz, avec un jeu ancré dans le post-bob, il élabore aussi un nouveau langage idiosyncratique, avec un traitement avant-gardiste du rythme et une étonnante technique pianistique à deux mains qui ne semble lui demander aucun effort. L’harmonie, la complicité dans le jeu qu’il entretient en permanence avec le bassiste Larry Grenadier et le batteur Jorge Rossy (qui sera plus tard remplacé par Jeff Ballard) fait émerger une « conscience commune », différente et plus libre que dans les trios de ses célèbres prédécesseurs, par exemple Bill Evans et Keith Jarrett.
À bien des égards, l’histoire de Mehldau dépasse celle du seul musicien ; elle est aussi celle du défi crucial auquel tout musicien de jazz qui réfléchit à son travail et l’explore en permanence est depuis lors confronté lorsqu’il souhaite faire honneur au langage, à l’histoire, à la tradition, au répertoire et à l’origine de la musique, tout en s’aménageant un espace unique propice à son exploration créatrice.
Les nombreux textes sur les pochettes de ses albums – signés de sa plume et détaillés… compte tenu des normes du genre – montrent à quel point Mehldau était conscient de la relation de l’artiste au passé (les musiciens qui l’ont précédé mais aussi la tradition). Avec l’album Live At the Village Vanguard: The Art of the Trio Volume 2 (1997), il a ainsi livré ses réflexions à propos de l’originalité de l’artiste et de son allégeance au genre et à la tradition.
Dans ses livrets, Mehldau cite volontiers des philosophes allemands et fait référence à Michel Foucault, Sigmund Freud ou encore Anthony Burgess. Il rédige de longues réflexions sur Igor Stravinsky et la vacuité émotionnelle de la musique, le Sehnsucht et l’Unheimlichkeit ou le romantisme allemand : il apprécie beaucoup Brahms et Schumann. Autant d’exemples qui vont dans le sens de Nate Chinen lorsqu’il évoque le « sérieux » de la scène jazz contemporaine : le jazz est aujourd’hui l’affaire de musiciens qui ont une véritable réflexion sur leur art, qui recherchent un sens derrière les notes, derrière la forme, derrière le triumvirat mélodie-harmonie-rythme. Le répertoire joué par Mehldau a de quoi étonner ; il n’hésite pas à puiser son inspiration dans la pop et le rock, des genres souvent très éloignés de la tradition du jazz. Il est aussi à l’aise avec les Beatles (un tout nouvel album vient de sortir, Your Mother Should Know: Brad Mehldau Plays The Beatles, Nonesuch Records 2023) qu’avec Radiohead, Rollins, Coltrane, Brahms ou Schumann.
Les improvisations de Mehldau sont en quelque sorte des variations de variations de variations, sans doute très éloignées de leur forme initiale mais toujours éminemment personnelles. Un exemple inspirant pour une armée de jeunes musiciens de jazz en quête à leur tour de sources d’inspiration nouvelles et inédites.
Seymour Reads The Constitution!, le dernier enregistrement du trio, remonte à 2018, ce qui nous ramène donc à la période d’avant le Covid-19. Dès le début du nouveau millénaire, les créations et les projets musicaux de Mehldau commencent à se diversifier, devenant plus hybrides, tandis que l’artiste est véritablement sur tous les fronts. Sur Largo (2001), il intègre par exemple une riche instrumentation dans un paysage sonore dans lequel viennent se greffer des effets électroniques – une production de Jon Brion. Highway Rider (2016) est sa deuxième collaboration avec ce producteur (Kanye West, Fiona Apple, Rufus Wainwright, David Byrne, Elliott Smith). Il élargit encore l’effectif, en intégrant cette fois-ci un ensemble de cordes dans une suite narrative qui doit autant à la pop qu’à la musique classique. Pendant cette période, Mehldau le compositeur commence en outre à accumuler ses lettres de noblesse. En 2010, il a l’honneur d’être le premier jazzman à occuper la Chaire Richard et Barbara Debs au Carnegie Hall, pendant la saison 2010-2011.
Parallèlement, il enchaîne les récitals solo, revisitant, à la manière d’un kaléidoscope, des morceaux de pop et de jazz, mais aussi des pièces de musique classique et ses propres compositions. L’on peut en trouver un bel échantillon dans le coffret 10 Years Solo Live (2015), un recueil d’enregistrements de récitals qu’il a donnés au cours de la décennie précédente en Europe, y compris à Bruxelles.
Mehldau a aussi multiplié les collaborations – au-delà des genres et des frontières – avec des musiciens d’horizons les plus divers. En 2006, il a ainsi composé Love Sublime – un cycle lyrique basé sur des poèmes de Rainer Maria Rilke, Louise Bogan et Fleurine – pour la soprano classique Renée Fleming. En 2010, il réitère l’expérience avec Love Songs, un cycle sur des poèmes de Sara Teasdale, Philip Larkin et e.e. cummings qu’il a composé pour la mezzosoprano suédoise Anne Sofie von Otter, à la demande du Carnegie Hall.
Citons encore un album en duo inclassable, Taming the Dragon (2014) – un mesclun synth-and-drums avec Mark Guiliana, un des rois de la batterie –, ou le superbe album qu’il a enregistré en 2017 avec le joueur de mandoline Chris Thile.
Trilogie Brad Mehldau au Klarafestival
À l’occasion de sa résidence au Klarafestival, Brad Mehldau fera découvrir plusieurs de ses facettes. Le 23 mars, le public pourra l’apprécier en duo, avec le ténor Ian Bostridge. Le 24 mars, il interprétera pour la première fois en Belgique son Concerto pour piano, accompagné du Belgian National Orchestra. Le lendemain, il fera provisoirement ses adieux au public dans l’intimité d’un récital de piano.
Il y a quelques années, à l’issue de leurs prestations respectives au Schloss Elmau, en Allemagne, Mehldau et le ténor Ian Bostridge avaient échangé autour de leur passion commune pour la musique de Robert Schumann. C’est ainsi qu’est née une amitié qu’ils célèbrent dans cette collaboration. Dichterliebe, le célèbre cycle de lieder de Schumann qu’ils interpréteront ensemble, a inspiré à Mehldau The Folly of Desire, elle aussi au programme de la soirée. Ce nouveau cycle a été spécialement écrit pour Bostridge. Le compositeur a puisé dans la poésie de Shakespeare, W.H. Auden, e.e. cummings, Yeats, Goethe et Blake, explorant des thèmes tels que l’amour, les désirs primitifs, la concupiscence et le viol. « An inquiry into the limits of post-#MeToo Romantic irony », selon les termes mêmes du compositeur.
Mehldau a déjà joué son Concerto pour piano dans les salles les plus prestigieuses au monde, comme la Philharmonie de Paris ou le Barbican à Londres. Ce concerto de trente-cinq minutes plonge l’auditeur dans un univers sonore d’une incroyable opulence. Dans cette composition, Mehldau réussit à intégrer des parties improvisées dans l’architecture d’un concert classique. L’œuvre et son interprétation lui ont valu une standing ovation d’une minute au Barbican Centre de Londres.
Mehldau clôture sa résidence au Klarafestival sur un récital de piano solo qui lui permet une nouvelle fois de démontrer que le chapitre qu’il écrit dans le Grand Livre de la musique est un récit où abondent les brusques revirements de situation comme les moments d’indescriptible beauté.
Frederik Goossens
Ian Bostridge
Le ténor britannique Ian Bostridge a fait ses débuts à l'opéra en 1994 dans le rôle de Lysander (A Midsummer Night's Dream, Britten) au Festival d'Edimbourg. Depuis, il a remporté des succès dans les rôles d'Aschenbach/ Death in Venice, Tom Rakewell/ The Rake's Progress et Jupiter/ Semele dans de grandes maisons comme l'Opéra national de Paris, le Bayerische et le Wiener Staatsoper. En tant qu’interprète de lieder, Ian Bostridge a été invité sur les scènes internationales les plus prestigieuses et aux festivals de Salzbourg, Munich, Vienne, Aldeburgh, Édimbourg et Saint-Pétersbourg.
Brad Mehldau
Brad Mehldau est un paniste au style unique qui fonde son jeu sur ses surprenantes capacités d'improvisation et sa maîtrise technique. De plus, il parvient à fusionner le jazz, le classique et la pop en un style hors du commun. Il a collaboré avec des musiciens aussi divers que Pat Metheny, Renée Fleming et Joshua Redman, et a réalisé de brillants arrangements de chansons de Paul Simon, Cole Porter et des Beatles. Il joue ses propres compositions dans le monde entier, en solo, en trio (avec le bassiste Larry Grenadier et le batteur Jorge Rossy) et avec orchestre.
Brad Mehldau
The Folly of Desire (2019)
THE SICK ROSE
William Blake
O Rose thou art sick.
The invisible worm,
That flies in the night
In the howling storm:
Has found out thy bed
Of crimson joy:
And his dark secret love
Does thy life destroy.
[FR]
LA ROSE MALADE
William Blake
Ô Rose, tu es malade.
L’invisible ver
Qui vole de nuit
Dans la tempête hurlante,
A trouvé où est ton lit
De joie cramoisie ;
C’est son noir amour secret
Qui détruit ta vie.
LEDA AND THE SWAN
William Butler Yeats
A sudden blow: the great wings beating still
Above the staggering girl, her thighs caressed
By the dark webs, her nape caught in his bill,
He holds her helpless breast upon his breast.
How can those terrified vague fingers push
The feathered glory from her loosening thighs?
And how can body, laid in that white rush,
But feel the strange heart beating where it lies?
A shudder in the loins engenders there
The broken wall, the burning roof and tower
And Agamemnon dead.
Being so caught up,
So mastered by the brute blood of the air,
Did she put on his knowledge with his power
Before the indifferent beak could let her drop?
[FR]
LEDA ET LE CYGNE
William Butler Yeats
Une soudaine chute : les grandes ailes battantes encore
Au-dessus de la vierge stupéfaite, ses cuisses caressées
Par les palmures sombres, sa nuque prise dans son bec,
Il la détient impuissante poitrine contre poitrine.
Comment ces doigts confus et terrifiés pourraient-ils pousser
La gloire de plumes de ses cuisses relâchées ?
Et comment un corps peut-il, posé dans cet assaut blanc,
Ne pas sentir le battement de ce cœur étrange là où il se trouve ?
Un frisson dans les reins engendre
Le mur brisé, le toit et la tour dans les flammes
Et Agamemnon mort.
Être ainsi immobilisée,
Ainsi maîtrisée par ce sang brutal venu des airs,
A-t-elle mis son savoir au service de sa puissance
Avant que le bec indifférent ne la laisse retomber ?
SONNET 147
William Shakespeare
My love is as a fever, longing still
For that which longer nurseth the disease,
Feeding on that which doth preserve the ill,
The uncertain sickly appetite to please.
My reason, the physician to my love,
Angry that his prescriptions are not kept
Hath left me, and I desperate now approve,
Desire is death, which physic did except.
Past cure I am, now reason is past care,
And frantic-mad with evermore unrest,
My thoughts and my discourse as madmen’s are,
At random from the truth vainly express’d.
For I have sworn thee fair and thought thee bright,
Who art as black as hell, as dark as night.
[FR]
SONNET 147
William Shakespeare
Mon amour est comme une fièvre
toujours altérée de ce qui l’alimente incessamment :
il se nourrit de ce qui perpétue sa souffrance
pour satisfaire son appétit troublé et morbide.
Ma raison, médecin de mon amour,
fâchée de ce que ses prescriptions ne sont pas suivies,
m’a abandonné, et moi, désormais désespéré,
je reconnais que l’affection que combattait la science est mortelle.
Ma raison étant impuissante, je suis désormais incurable,
et je délire frénétiquement dans une incessante agitation.
Mes pensées et mes paroles sont, comme celles des fous,
de vaines et fausses divagations.
Car j’ai juré que tu es blanche et cru que tu es radieuse,
toi qui es noire comme l’enfer et ténébreuse comme la nuit.
SONNET 75
William Shakespeare
So are you to my thoughts as food to life,
Or as sweet-season’d showers are to the ground;
And for the peace of you I hold such strife,
As ‘twixt a miser and his wealth is found.
Now proud as an enjoyer and anon
Doubting the filching age will steal his treasure,
Now counting best to be with you alone,
Then better’d that the world may see my pleasure,
Sometime all full with feasting on your sight,
And by and by clean starved for a look,
Possessing or pursuing no delight
Save what is had or must from you be took.
Thus do I pine and surfeit day by day,
Or gluttoning on all, or all away.
[FR]
SONNET 75
William Shakespeare
Ainsi, vous êtes pour ma pensée ce qu’est la nourriture pour la vie,
ou la pluie bien distribuée pour la terre ;
et je me débats pour la pacifique possession de vous-même
comme un avare avec ses richesses :
Tantôt ayant la fierté de la jouissance,
et tantôt ayant peur que le monde fripon ne vole mon trésor ;
aimant mieux parfois être avec vous seul,
parfois préférant que l’univers puisse voir mon bonheur ;
Tantôt tout enivré de votre vue, tantôt tout affamé d’un regard ;
ne possédant ou ne cherchant d’autres joies
que celles que je tiens ou dois recevoir de vous.
Gardez ce que vous avez ou ce que vous devez prendre.
Ainsi je suis tour à tour languissant ou rassasié,
ou dévorant tout, ou privé de tout.
ÜBER DIE VERFÜHRUNG VON ENGELN
Bertold Brecht
Engel verführt man gar nicht oder schnell.
Verzieh ihn einfach in den Hauseingang
Steck ihm die Zunge in den Mund und lang
Ihm untern Rock, bis er sich naß macht, stell
Ihm das Gesicht zur Wand, heb ihm den Rock
Und fick ihn. Stöhnt er irgendwie beklommen
Dann halt ihn fest und laß ihn zweimal kommen
Sonst hat er dir am Ende einen Schock.
Ermahn ihn, dass er gut den Hintern schwenkt
Heiß ihn dir ruhig an die Hoden fassen
Sag ihm, er darf sich furchtlos fallen lassen
Dieweil er zwischen Erd und Himmel hängt –
Doch schau ihm nicht beim Ficken ins Gesicht
Und seine Flügel, Mensch, zerdrück sie nicht.
[FR]
DE LA SÉDUCTION DES ANGES
Bertold Brecht
Un ange ne se séduit pas, encore moins rapidement.
Attire-le simplement dans l’entrée,
Mets-lui la langue dans la bouche et passe
Sous sa robe jusqu’à ce qu’il mouille, colle-lui
La tête au mur, soulève sa robe
Et baise-le. S’il gémit d’une manière ou d’une autre,
Tiens-le bien et fais-le venir par deux fois
Sinon il terminera par un choc.
Rappelle-le à l’ordre, qu’il balance bien les fesses
Qu’il sache qu’il peut te prendre les burettes.
Dis-lui qu’il peut se laisser tomber sans crainte
Tandis qu’il pend entre la terre et le ciel –
Mais ne le regarde pas en face en le baisant
Et, par pitié, ne lui écrase pas les ailes.
GANYMED
Johann Wolfgang von Goethe
Wie im Morgenglanze
Du rings mich anglühst
Frühling, Geliebter!
Mit tausendfacher Liebeswonne
Sich an mein Herz drängt
Deiner ewigen Wärme
Heilig Gefühl,
Unendliche Schöne!
Daß ich dich fassen möchte’
In diesen Arm!
Ach, an deinem Busen
Lieg’ ich, schmachte,
Und deine Blumen, dein Gras
Drängen sich an mein Herz.
Du kühlst den brennenden
Durst meines Busens,
Lieblicher Morgenwind!
Ruft drein die Nacthigall
Liebend nach mir aus dem Nebeltal.
Ich komm’, ich komme!
Wohin? Ach, wohin?
Hinauf! Hinauf strebt’s.
Es schweben die Wolken
Abwärts, die Wolken
Neigen sich der sehnenden Liebe.
Mir! Mir!
In eurem Schosse
Aufwärts!
Umfangend umfangen!
Aufwärts an deinen Busen,
Alliebender Vater!
[FR]
GANYMEDE
Johann Wolfgang von Goethe
Dans l’éclat du matin
De quels feux tu m’entoures,
Printemps, mon Bien-aimé !
En un afflux d’amoureuses ivresses,
Se presse vers mon cœur
Le sentiment sacré
De ton ardeur éternelle,
Beauté infinie !
Que ne puis-je t’étreindre
De ces bras !
Ah ! sur ton sein je suis
Étendu, je languis
Et tes fleurs et ton herbe
Se pressent sur mon cœur.
Tu viens calmer la soif
Ardente de mon être,
Brise exquise de l’aube,
Où vers moi le rossignol jette
Son cri d’amour, hors des brumes du val.
Me voici, me voici !
Mais où aller, mais où ?
Là-haut, être enlevé là-haut !
Les nuages flottants
S’abaissent, les nuages
S’inclinent vers l’amour soulevé de désir.
Vers moi, vers moi !
Et que, blotti en vous,
Je monte !
Enlaçant, enlacé !
Et que j’aille, en montant, me serrer contre toi,
Père, universel amour
GANYMEDE
W.H. Auden
He looked in all His wisdom from the throne
Down on that humble boy who kept the sheep,
And sent a dove; the dove returned alone:
Youth liked the music, but soon fell asleep.
But He had planned such future for the youth:
Surely, His duty now was to compel.
For later he would come to love the truth,
And own his gratitude. His eagle fell.
It did not work. His conversation bored
The boy who yawned and whistled and made faces,
And wriggled free from fatherly embraces;
But with the eagle he was always willing
To go where it suggested, and adored
And learnt from it so many ways of killing
[FR]
GANYMEDE
W.H. Auden
Depuis son trône, Il observait dans toute sa sagesse
L’humble garçon qui gardait les brebis,
Et envoya une colombe ; la colombe revint seule :
L’enfant aima la musique, mais tomba vite endormi.
Pourtant Il avait prévu ce futur pour l’enfant :
Mais Il devait maintenant l’y contraindre.
Car plus tard, il lui faudrait aimer la vérité,
Et l’en gratifiait. Son aigle tomba.
Cela fut en vain. Sa conversation ennuya
Le garçon, qui bâilla, siffla, fit des grimaces
Et se dégagea de l’étroite tutelle ;
Mais de l’aigle il souhaitait toujours
Suivre la voie qu’il suggérait, et adorait
Et apprenait par lui tant de façons de tuer
THE BOYS I MEAN ARE NOT REFINED
e.e. cummings
the boys i mean are not refined
they go with girls who buck and bite
they do not give a fuck for luck
they hump them thirteen times a night
one hangs a hat upon her tit
one carves a cross on her behind
they do not give a shit for wit
the boys i mean are not refined
they come with girls who bite and buck
who cannot read and cannot write
who laugh like they would fall apart
and masturbate with dynamite
the boys i mean are not refined
they cannot chat of that and this
they do not give a fart for art
they kill like you would take a piss
they speak whatever’s on their mind
they do whatever’s in their pants
the boys i mean are not refined
they shake the mountains when they dance
[FR]
LES GARS DONT JE PARLE NE SONT PAS TRÈS FINS
e.e. cummings
les gars dont je parle ne sont pas très fins
ils sortent avec de vraies furies
ils se foutent des conséquences
ils les fourrent treize fois par nuit
l’un pend son chapeau à un sein
l’autre grave une croix sur un derrière
Ils se foutent de ce qu’on imagine
les gars dont je parle ne sont pas très fins
ils jouissent avec de vraies furies
qui savent pas lire et pas écrire
qui se tordent par terre de rire
et se masturbent à l’explosif
les gars dont je parle ne sont pas très fins
ils discutent de pas grand-chose
ils se foutent de prendre la pose
ils tuent comme toi tu vas pisser
ils disent à trac ce qu’ils pensent
ils sont menés par la culotte
les gars dont je parle sont pas très fins
ils secouent les montagnes quand ils dansent
EXCERPT FROM SAILING TO BYZANTIUM
William Butler Yeats
III
O sages standing in God’s holy fire
As in the gold mosaic of a wall,
Come from the holy fire, perne in a gyre,
And be the singing masters of my soul.
Consume my heart away; sick with desire
It knows not what it is; and gather me
Into the artifice of eternity.
[FR]
EXTRAIT DE LA TRAVERSÉE VERS BYZANCE
William Butler Yeats
III
Ô sages qui vous tenez dans le feu sacré du Seigneur
Comme dans la mosaïque dorée d’une enceinte,
Sortez du feu sacré, entrez dans la spirale
Et soyez les maîtres chantant de mon âme.
Consumez tout mon cœur ; malade de désir
Qui ne sait qui je suis ; et m’emporte
Dans l’artifice de l’éternité.
NIGHT II, FROM “THE FOUR ZOAS”
(THE WAIL OF ENION)
William Blake
I am made to sow the thistle for wheat; the nettle for a nourishing dainty
I have planted a false oath in the earth, it has brought forth a Poison Tree
I have chosen the serpent for a counsellor and the dog
For a schoolmaster to my children
I have blotted out from light and living the dove and nightingale
And I have caused the earthworm to beg from door to door
I have taught the thief a secret path into the house of the just
I have taught pale Artifice to spread his nets upon the morning
My heavens are brass, my earth is iron, my moon a clod of clay
My sun a pestilence burning at noon, and a vapour of death in night.
What is the price of Experience? Do men buy it for a song
Or Wisdom for a dance in the street? No – it is bought with the price
Of all that a man hath – his house, his wife, his children.
Wisdom is sold in the desolate market where none come to buy
And in the wither’d field where the farmer ploughs for bread in vain
[FR]
NUIT II, DE « LES QUATRE ZOAS »
(LES PLEURS D’ENION)
William Blake
Je suis fait pour semer le chardon sur le blé, l’ortie sur une friandise nourrissante
J’ai planté un faux serment dans la terre, il a produit un Arbre empoisonné
J’ai choisi le serpent comme conseiller et le chien
Comme maître d’école de mes enfants
J’ai effacé la colombe et le rossignol de la lumière et de la vie
Et j’ai fait du ver de terre un mendiant allant de porte à porte
J’ai montré au voleur le chemin secret qui mène dans la maison du juste
J’ai appris au pâle Artifice à étendre ses filets sur le matin
Mon ciel est de cuivre, ma terre est de fer, ma lune est une motte d’argile
Mon soleil une pestilence brûlant aux rigueurs de midi, et une vapeur fatale dans la nuit.
Quel est le prix de l’Expérience ? L’achète-t-on contre un refrain
Ou la Sagesse contre une farandole ? Non – on l’achète au prix
De tout ce qu’un homme possède – maison, femme, enfants.
La Sagesse se vend sur le marché désert où personne ne vient rien acheter.
Et dans le champ en friche où le fermier laboure en vain sa pitance.
LULLABY W.H. Auden
Lay your sleeping head, my love,
Human on my faithless arm:
Time and fevers burn away
Individual beauty from
Thoughtful children, and the grave
Proves the child ephemeral:
But in my arms till break of day
Let the living creature lie,
Mortal, guilty, but to me
The entirely beautiful.
Soul and body have no bounds:
To lovers as they lie upon
Her tolerant enchanted slope
In their ordinary swoon,
Grave the vision Venus sends
Of supernatural sympathy,
Universal love and hope
While an abstract insight wakes
Among the glaciers and the rocks
The hermit’s carnal ecstasy
Certainty, fidelity
On the stroke of midnight pass
Like vibrations of a bell
And fashionable madmen raise
Their pedantic boring cry:
Every farthing of the cost.
All the dreaded cards foretell.
Shall be paid, but from this night
Not a whisper, not a thought.
Not a kiss nor look be lost.
Beauty, midnight, vision dies:
Let the winds of dawn that blow
Softly round your dreaming head
Such a day of welcome show
Eye and knocking heart may bless,
Find our mortal world enough;
Noons of dryness find you fed
By the involuntary powers,
Nights of insult let you pass
Watched by every human love.
[FR]
LULLABY W.H. Auden
Ose ta tête endormie, mon amour
Humaine sur mon bras infidèle ;
Le temps et les fièvres consument
La part de beauté
Des enfants pensifs et la tombe
Prouve que l’enfant est éphémère ;
Mais que dans mes bras jusqu’au point du jour
Repose cet être vivant,
Mortel, coupable, mais pour moi
Beauté absolue.
L’âme et le corps n’ont point de bornes ;
Aux amants étendus
Dans leur pâmoison coutumière
Sur la pente enchantée de son indulgence
Vénus gravement apporte la vision
D’une compassion surnaturelle,
Un amour, un espoir universels ;
Tandis qu’une intuition abstraite éveille
Parmi les glaciers et les rocs
L’extase sensuelle de l’ermite.
Certitude, fidélité
Sur le coup de minuit passent
Comme les vibrations d’une cloche,
Et les fous à la mode poussent
Leurs cris ennuyeux de pédants ;
Chaque centime de la dépense,
Tout ce que prédisent les cartes redoutées
Sera payé, mais de cette nuit
Que pas un murmure, pas une pensée
Pas un baiser ni un regard ne soient perdus.
Tout meurt, la beauté, la vision, minuit :
Que les vents de l’aube qui demeurent
Soufflent sur ta tête rêveuse
Annonçant un jour d’une telle douceur
Que les yeux et le cœur qui cogne puissent louer
Ce monde mortel et s’en satisfaire ;
Que les midis de sécheresse te voient nourri
Par les puissances irréfléchies,
Que les nuits d’insulte te laissent vivre
Sous la garde de tout amour humain.
Robert Schumann
Dichterliebe (Heinrich Heine*)
1.
Im wunderschönen Monat Mai,
Als alle Knospen sprangen,
Da ist in meinem Herzen
Die Liebe aufgegangen.
Im wunderschönen Monat Mai,
Als alle Vögel sangen,
Da hab' ich ihr gestanden
Mein Sehnen und Verlangen.
[FR]
1.
Au mois de mai, quand la lumière
Voyait tous les bourgeons s’ouvrir,
L’amour, en sa douceur première,
Dans mon cœur s’est mis à fleurir.
Au mois de mai, sous la rainée.
Tous les oiseaux chantaient en chœur
Quand j’ai dit à la bien-aimée
Le tendre secret de mon cœur.
2.
Aus meinen Tränen sprießen
Viel blühende Blumen hervor,
Und meine Seufzer werden
Ein Nachtigallenchor.
Und wenn du mich lieb hast, Kindchen,
Schenk' ich dir die Blumen all',
Und vor deinem Fenster soll klingen
Das Lied der Nachtigall.
[FR]
2.
De mes larmes s’épanouissent
Des fleurs en bouquets radieux,
Et de tous mes soupirs surgissent
Des rossignols mélodieux.
D’amour que ton cœur se pénètre,
Les fleurs à tes pieds tomberont,
Et, jour et nuit, à ta fenêtre,
Mes doux rossignols chanteront.
3.
Die Rose, die Lilie, die Taube, die Sonne,
Die liebt' ich einst alle in Liebeswonne.
Ich lieb' sie nicht mehr, ich liebe alleine
Die Kleine, die Feine, die Reine, die Eine;
Sie selber, aller Liebe Wonne,
Ist Rose und Lilie und Taube und Sonne.
Ich liebe alleine
Die Kleine, die Feine, die Reine, die Eine.
[FR]
3.
Autrefois lis et rose, et colombe et soleil,
Je les ai tous aimés d’un amour sans pareil.
À présent de mon cœur qui changea de tendresse,
Ma mignonne si douce est l’unique maîtresse ;
Elle-même est pour moi source pure d’amour,
La colombe et la rose, et le lis et le jour.
4.
Wenn ich in deine Augen seh',
So schwindet all' mein Leid und Weh;
Doch wenn ich küsse deinen Mund,
So werd' ich ganz und gar gesund.
Wenn ich mich lehn' an deine Brust,
Kommt's über mich wie Himmelslust;
Doch wenn du sprichst: ich liebe dich!
So muß ich weinen bitterlich.
[FR]
4.
À tes yeux si beaux quand mes yeux s’unissent,
Tous mes chagrins s’évanouissent ;
D’un baiser ta bouche, au rire enchanté,
Me rend la joie et la santé.
Sur mon cœur brûlant quand mon bras te presse,
Du paradis je sers l’ivresse ;
Mais quand tu me dis ; je t’aime ardemment,
— Je pleure, hélas ! amèrement.
5.
Ich will meine Seele tauchen
In den Kelch der Lilie hinein;
Die Lilie soll klingend hauchen
Ein Lied von der Liebsten mein.
Das Lied soll schauern und beben
Wie der Kuß von ihrem Mund,
Den sie mir einst gegeben
In wunderbar süßer Stund'.
[FR]
5.
Dans le lis le plus pur mon âme,
Ivre de bonheur, plongera ;
Soudain la fleur exhalera
Un chant à l’honneur de ma dame.
Je veux qu’il vibre, énamouré
En doux frissons, comme une lyre.
Pareil au baiser, qu’en délire
De ses lèvres j’ai savouré.
6.
Im Rhein, im heiligen Strome,
Da spiegelt sich in den Well'n
Mit seinem großen Dome,
Das große, heilige Köln.
Im Dom da steht ein Bildnis,
Auf goldenem Leder gemalt;
In meines Lebens Wildnis
Hat's freundlich hineingestrahlt.
Es schweben Blumen und Eng'lein
Um unsre liebe Frau;
Die Augen, die Lippen, die Wänglein,
Die gleichen der Liebsten genau.
[FR]
6.
À Cologne, la ville sainte,
La cathédrale au front serein
Reflète sa gothique enceinte
Aux flots majestueux du Rhin.
Dans le temple on garde une image,
Sur cuir doré; — j’ai vu toujours
Rayonner ce charmant visage.
Dans le désert où vont mes jours.
Entre des fleurs, parmi des anges,
C’est Notre-Dame; — trait pour trait,
Bouche, regard charmes étranges,
De ma belle c’est le portrait.
7.
Ich grolle nicht, und wenn das Herz auch bricht,
Ewig verlor'nes Lieb! Ich grolle nicht.
Wie du auch strahlst in Diamantenpracht,
Es fällt kein Strahl in deines Herzens Nacht.
Das weiß ich längst.
Ich grolle nicht, und wenn das Herz auch bricht.
Ich sah dich ja im Traume,
Und sah die Nacht in deines Herzens Raume,
Und sah die Schlang', die dir am Herzen frißt,
Ich sah, mein Lieb, wie sehr du elend bist.
Ich grolle nicht.
[FR]
7.
J’ai pardonné, mon cœur dût-il se briser,
Ô mon aimée à jamais perdue,
J’ai pardonné, j’ai pardonné.
Tu rayonnes dans l’éclat de tes diamants mais
Nul rayon n’en tombe dans la nuit de ton cœur
Je ne le sais que trop.
Ne t’ai-je pas vue en rêve ?
J’ai vu la nuit qui remplit ton âme,
J’ai vu le serpent qui te ronge le cœur,
J’ai vu, mon cher amour, ta détresse infinie.
8.
Und wüßten's die Blumen, die kleinen,
Wie tief verwundet mein Herz,
Sie würden mit mir weinen,
Zu heilen meinen Schmerz.
Und wüßten's die Nachtigallen,
Wie ich so traurig und krank,
Sie ließen fröhlich erschallen
Erquickenden Gesang.
Und wüßten sie mein Wehe,
Die goldenen Sternelein,
Sie kämen aus ihrer Höhe,
Und sprächen Trost mir ein.
Sie alle können's nicht wissen,
Nur Eine kennt meinen Schmerz;
Sie hat ja selbst zerrissen,
Zerrissen mir das Herz.
[FR]
8.
Si les petites fleurs
Connaissaient mes alarmes,
Pour guérir mes douleurs,
Chacune avec mes pleurs
Voudrait mêler ses larmes.
Si les rossignolets
Savaient quel mal m’oppresse,
Ces charmants oiselets,
De leurs plus doux couplets,
Berceraient ma détresse.
Les étoiles aussi,
Regardant ma misère,
Sur mon affreux souci,
Aussitôt radouci,
Verseraient leur lumière.
Mais de sa cruauté
Nul ne sait la torture,
Excepté la Beauté
Dont la main m’a porté
L’incurable blessure.
9.
Das ist ein Flöten und Geigen,
Trompeten schmettern darein;
Da tanzt wohl den Hochzeitsreigen
Die Herzallerliebste mein.
Das ist ein Klingen und Dröhnen,
Ein Pauken und ein Schalmei'n;
Dazwischen schluchzen und stöhnen
Die lieblichen Engelein.
[FR]
9.
De ma belle aujourd’hui c’est la noce; – on entend
Le bal triomphant qui commence;
Elle y danse, folâtre, et l’orchestre éclatant
Excite sa valse en démence.
Et cymbales, clairons, langoureux violons.
Et fifres moqueurs qui sifflotent,
A travers leurs doux sons emplissant les salons
Les bons petits anges sanglotent.
10.
Hör' ich das Liedchen klingen,
Das einst die Liebste sang,
So will mir die Brust zerspringen
Von wildem Schmerzendrang.
Es treibt mich ein dunkles Sehnen
Hinauf zur Waldeshöh',
Dort löst sich auf in Tränen
Mein übergroßes Weh'.
[FR]
10.
Quand j’entends cet air qu’autrefois
Chantait sa bouche purpurine,
Je tremble, et mon cœur aux abois
S’agite à briser ma poitrine.
Vers l’âpre cime des forêts
Je cours, poussé par ma détresse;
Là, j’exhale en des pleurs secrets
L’immense chagrin qui m’oppresse.
11.
Ein Jüngling liebt ein Mädchen,
Die hat einen andern erwählt;
Der andre liebt eine andre,
Und hat sich mit dieser vermählt.
Das Mädchen nimmt aus Ärger
Den ersten besten Mann,
Der ihr in den Weg gelaufen;
Der Jüngling ist übel dran.
Es ist eine alte Geschichte,
Doch bleibt sie immer neu;
Und wem sie just passieret,
Dem bricht das Herz entzwei.
[FR]
11.
Un jeune homme adore une belle
Dont le cœur d’un autre s’éprit ;
L’autre d’une autre demoiselle
S’éprend et devient son mari.
Alors la première, jalouse,
En son dépit, se jette au cou
Du premier venu, qu’elle épouse ;
Le jeune homme en pâtit beaucoup.
Ancienne histoire, toujours neuve,
On n’en est point scandalisé ; –
Mais quiconque en subit l’épreuve,
N’en revient que le cœur brisé.
12.
Am leuchtenden Sommermorgen
Geh' ich im Garten herum.
Es flüstern und sprechen die Blumen,
Ich aber wandle stumm.
Es flüstern und sprechen die Blumen,
Und schaun mitleidig mich an:
Sei unsrer Schwester nicht böse,
Du trauriger blasser Mann.
[FR]
12.
Par un matin d’été splendide,
J’errais tout seul dans le jardin;
Les jeunes fleurs, groupe candide,
Causaient tout bas de mon chagrin.
— À notre sœur ; me dit chacune,
Avec un regard douloureux,
Cesse donc de garder rancune,
Lamentable et pâle amoureux ! —
13.
Ich hab' im Traum geweinet,
Mir träumte, du lägest im Grab.
Ich wachte auf, und die Träne
Floß noch von der Wange herab.
Ich hab' im Traum geweinet,
Mir träumt', du verließest mich.
Ich wachte auf, und ich weinte
Noch lange bitterlich.
Ich hab' im Traum geweinet,
Mir träumte, du wär'st mir noch gut.
Ich wachte auf, und noch immer
Strömt meine Tränenflut.
[FR]
13.
En pleurant j’ai rêvé, ma belle,
Que la mort éteignait tes jours;–
Quand cette vision cruelle
Disparut, je pleurais toujours.
En pleurant j’ai rêvé, ma chère,
Que tu trahissais nos amours ; —
Quand l’aube éveilla ma paupière,
Mes pleurs amers coulaient toujours.
J’ai rêvé que ta vie entière
Me gardait un cœur sans détours ; —
Mes yeux revoyant la lumière
Pleuraient, pleuraient, pleuraient toujours.
14.
Allnächtlich im Traume seh' ich dich,
Und sehe dich freundlich grüßen,
Und laut aufweinend stürz ich mich
Zu deinen süßen Füßen.
Du siehest mich an wehmütiglich
Und schüttelst das blonde Köpfchen;
Aus deinen Augen schleichen sich
Die Perlentränentröpfchen.
Du sagst mir heimlich ein leises Wort
Und gibst mir den Strauß von Cypressen.
Ich wache auf, und der Strauß ist fort,
Und's Wort hab' ich vergessen.
[FR]
14.
Chaque nuit je revois tes charmes
Dans un rêve où tu me souris;
Je tombe à genoux, et mes larmes
Vont arroser tes pieds chéris.
Les yeux en pleurs, dans les ténèbres
Secouant l’or de tes cheveux
Tu me tends des bouquets funèbres
Que saisissent mes doigts nerveux.
Tu me dis tout bas à l’oreille
Un mot magique; — ouvrant les yeux,
Je cherche en vain, quand je m’éveille,
Cyprès et mot mystérieux.
15.
Aus alten Märchen winkt es
Hervor mit weißer Hand,
Da singt es und da klingt es
Von einem Zauberland;
Wo bunte Blumen Blühen
Im gold'nen Abendlicht,
Und lieblich duftend glühen,
Mit bräutlichem Gesicht;
[Und grüne Bäume singen
Uralte Melodei'n,
Die Lüfte heimlich klingen,
Und Vögel schmettern drein;
Und Nebelbilder steigen
Wohl aus der Erd' hervor,
Und tanzen luft'gen Reigen
Im wunderlichen Chor;
Und blaue Funken brennen
An jedem Blatt und Reis,
Und rote Lichter rennen
Im irren, wirren Kreis;
Und laute Quellen brechen
Aus wildem Marmorstein.
Und seltsam in den Bächen
Strahlt fort der Widerschein.]
Ach, könnt' ich dorthin kommen,
Und dort mein Herz erfreu'n,
Und aller Qual entnommen,
Und frei und selig sein!
Ach! jenes Land der Wonne,
Das seh' ich oft im Traum,
Doch kommt die Morgensonne,
Zerfließt's wie eitel Schaum.
[FR]
15.
Des anciens contes, me fait signe
Une blanche main,
Des chants et des mélodies s'élèvent
D'un pays enchanté ;
Là des fleurs multicolores s'épanouissent
Dans la lumière dorée du soir,
Et resplendissent, odorantes et charmantes
Avec leur visage de fiancée ;
Et les arbres verts chantent
Des mélodies immémoriales,
Les zéphirs furtifs bruissent,
Et les oiseaux y volettent ;
Et des images nébuleuses s'élèvent,
Émergeant de la terre,
Et dansent une ronde aérienne
Sur un chœur fantasque ;
Et des étincelles bleues scintillent
Sur chaque feuille et chaque rameau,
Et des lumières rouges courent
En cercles fous et confus ;
Et des sources sonores déferlent
Jaillissant du marbre brut.
Et dans les ruisseaux persistent
D'étranges reflets.
Ah, puissé-je aller là-bas,
Et y réjouir là-bas mon cœur,
Et puiser à toutes les sources,
Et être libre et bienheureux !
Ah, ce pays du bonheur
Je le vois souvent en rêve,
Mais le soleil du matin,
Le dissipe comme une vaine écume.
16.
Die alten bösen Lieder,
Die Träume bös' und arg,
Die laßt uns jetzt begraben,
Holt einen großen Sarg.
Hinein leg' ich gar manches,
Doch sag' ich noch nicht, was;
Der Sarg muß sein noch größer
Wie's Heidelberger Faß.
Und holt einen Totenbahre
Und Bretter fest und dick;
Auch muß sie sein noch länger,
Als wie zu Mainz die Brück'.
Und holt mir auch zwölf Riesen,
Die müssen noch stärker sein
Als wie der starke Christoph
Im Dom zu Köln am Rhein.
Die sollen den Sarg forttragen,
Und senken ins Meer hinab;
Denn solchem großen Sarge
Gebührt ein großes Grab.
Wißt ihr, warum der Sarg wohl
So groß und schwer mag sein?
Ich senkt auch meine Liebe
Und meinen Schmerz hinein.
[FR]
16.
Chants d’amour, tourments de mon âme,
Espoirs trompés, rêves en deuil,
La tombe est là qui vous réclame ;
– Que l’on m’apporte un grand cercueil !
Pour garder la relique sainte
Que j’y voudrais mettre à couvert,
Il faut qu’il ait plus vaste enceinte
Que le tombeau de Heidelberg.
En bois de forte résistance
Hâtez-vous de faire achever
Plus long que le pont de Mayence,
Un brancard pour le soulever.
Invitez à cette besogne
Douze Titans, frères d’airain
Du Saint-Christophe de Cologne,
Dans le grand dôme au bord du Rhin.
Ils descendront leur lourde charge
Dans la mer au gouffre béant :
Il faut une fosse aussi large
Pour couvrir le coffre géant.
Ce grand cercueil est nécessaire ;
Car, apprenez que sans retour.
Dans sa nuit profonde il enserre
Et ma souffrance et mon amour!
*Grâce à E. De Soomer
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