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/ Royal Chapel - Protestant Church of Brussels

Philippe Thuriot

Enchanting Scarlatti

Scarlatti à l'accordeon

Entretenu avec Philippe Thuriot

L’accordéoniste Philippe Thuriot joue davantage que le seul répertoire spécifiquement composé pour son instrument. Par le passé, il a déjà proposé des arrangements d’œuvres de François Couperin et de Johann Sebastian Bach. Il s’essaie à présent aux sonates de Domenico Scarlatti. Dans un entretenu avec Frederic Delmotte, Philippe Thuriot présente le programme qu’il a composé. 

 

Par le passé, vous avez déjà joué la musique de Johann Sebastian Bach à l’accordéon. Qu’est-ce qui vous a conduit à maintenant aborder Domenico Scarlatti ? 

'Dans presque tous les conservatoires où l’on enseigne l’accordéon classique figure au programme l’interprétation de musique initialement écrite pour le clavecin par des compositeurs tels que Jean-Philippe Rameau, François Couperin ou Scarlatti. C’est devenu une tradition, à laquelle je me suis également frotté à l’âge de 18 ans. Ce répertoire est important pour s’exercer à la virtuosité. La musique de Bach présente un autre type de virtuosité – il s’agit d’une virtuosité mentale. Celle de Scarlatti s’appuie plus souvent sur la musique populaire. L’accordéon est en outre un instrument populaire. Je savais qu’à un moment donné, avec ma maturité, je me réattaquerais à Scarlatti. Je me sens davantage lié à sa musique qu’à celle de Bach. J’aime jouer de la musique folk et jazz, et la musique de Scarlatti présente clairement un caractère dansant. On peut s’autoriser davantage de légèreté.'

 

Scarlatti a écrit ses sonates pour clavecin à titre d’exercices pour son étudiante Maria Barbara. Comment transposez-vous ces exercices pour le clavecin en exercices pour l’accordéon ?  

En ne changeant rien à la musique, c’est aussi simple que ça. Le clavecin a plus en commun avec l’accordéon que le piano. Je crois que c’est lié au timbre du clavecin, qui est relativement fin et transparent. Le piano est au contraire beaucoup plus sombre. Comme le clavecin, l’accordéon produit des sons aigus ; mais la grande différence, c’est que l’accordéon produit des sons aspirés, tandis qu’au clavecin, les cordes sont pincées. Je n’ai donc eu aucun travail de réécriture de la partition ; c’est simplement l’interprétation qui diffère. Le son du clavecin s’évanouit automatiquement rapidement, encore plus rapidement qu’au piano, équipé d’une pédale de résonance. Le son d’un accordéon continue lui aussi à résonner aussi longtemps qu’on l’alimente en air. Voilà donc le principal défi pour moi : comment terminer les sons de l’accordéon de façon similaire à ce qui se produit au clavecin ?' 

 

Une autre grande différence avec le clavecin, c’est que l’accordéon permet de jouer davantage avec les dynamiques. 

'Cela induit en effet un certain risque. Avec un instrument particulièrement dynamique, jusqu’où peut-on jouer avec la dynamique ? Je suis sûr que certains vont me trouver sacrilège, et je m’en excuse d’avance (rires). Quand on joue Scarlatti au piano, on doit aussi réfléchir jusqu’où on veut aller. Une autre différence par rapport au piano, c’est que l’accordéon offre en outre des possibilités orchestrales. Enfler un son, jouer avec un timbre, c’est à la fois un cadeau et un piège.'

Je suis sûr que certains vont me trouver sacrilège, et je m’en excuse d’avance (rires).
Philippe Thuriot

Quels critères ont préludé au choix des sonates du recueil Essercizi pour votre concert ? 

'Mon choix a été guidé par les nombreuses interprétations que j’ai entendues quand j’étais jury de concours internationaux. J’ai alors entendu beaucoup de choses intéressantes. J’ai en outre également entendu de nombreuses interprétations par les nombreux étudiants que j’ai pu coacher au conservatoire de Gand. Les sonates ne m’ont pas toutes semblé également pertinentes, d’autres sont restées « dans mon oreille ». Je n’ai pas de réponse claire. Certaines sonates ressemblent trop à des études. Mais j’ai découvert d’autres sonates qui ont tout simplement beaucoup d’âme. Plusieurs des sonates que j’ai sélectionnées présentent un caractère mélancolique, ce qui peut être encore accentué à l’accordéon, car l’accordéon est par excellence un instrument mélancolique. La musique de Scarlatti est pétillante et mélancolique, mais il n’est pas toujours facile de comprendre pourquoi tant de mélomanes aiment la musique de Scarlatti.'

 

Scarlatti avait la réputation d’être un improvisateur de talent. Vous allez vous-même improviser entre les sonates. Procéderez-vous alors à la manière baroque, par analogie avec les traités du XVIIIe siècle ? 

'Je ne peux pas improviser « à la baroque », ce n’est pas mon domaine de spécialisation. J’improvise avec mes moyens personnels, contemporains, tout en restant bien sûr proche de la sonate. Je souhaite que mes improvisations et les sonates s’enchaînent naturellement. J’espère que le public mettra quelques secondes à comprendre que je joue une sonate. J’aime beaucoup dérouter un peu les gens. Mais je veux rester aussi subtil que possible dans mes improvisations, à l’instar de la délicatesse dont Domenico fait preuve dans ses sonates.' 

 

image © Stephan Vanfleteren

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