Barbara Hannigan conducting
Barbara Hannigan, Equilibrium Young Artists & LUDWIG Orchestra
/ Flagey, Studio 4

Barbara Hannigan, Equilibrium Young Artists & LUDWIG Orchestra

music among friends

music among friends

entretenu avec emma posman et rolf verbeek, tous deux membres d’equilibrium

 

Le 16 mars, Barbara Hannigan, l’artiste-phare du festival, s’entoure sur la scène de Flagey de membres de son programme Equilibrium Young Artists. Ensemble, ils coloreront la soirée par des touches impressionnistes. La dramaturge Lalina Goddard s’est entretenue avec la soprano Emma Posman et le chef d’orchestre Rolf Verbeek, tous deux membres d’Equilibrium.

 

Que faites-vous en ce moment ?

Emma : Actuellement, je répète à la Monnaie pour Solar, un nouvel opéra qui associe deux mythes grecs à une problématique actuelle. L’opéra, composé par Howard Moody, est mis en scène par Benoit de Leersnyder. Je chante le rôle de Talos, que son oncle jaloux jette du haut d’un rocher et qui se change en oiseau. Un très beau rôle, je trouve.

Rolf : Je prépare un projet autour de la musique de Poulenc à la tête de Camerata RCO, un ensemble fondé par des membres du Concertgebouworkest. Ces prochaines semaines, je serai en tournée avec Barbara et le London Symphony Orchestra. Et comme vous le savez, nous serons bientôt à Bruxelles, pour la soirée d’ouverture du Klarafestival !

 

Un agenda bien rempli, donc. Et vous êtes aussi invités le 16 mars au Klarafestival, avec Barbara Hannigan et d’autres membres de son programme Equilibrium Young Artists. De façon délibérée, elle n’appelle pas « audition » la procédure de sélection à ce programme. Comment avez-vous vécu cette expérience ?

Emma : Nous ignorions ce qui nous attendrait. On nous a fait entrer, les 25 candidats tous ensemble, et on nous a demandé de faire des petits jeux ensemble. Je crois que pendant ce temps, on observait très précisément comment nous réagissions, comment nous nous entendions. L’audition de chant s’est également déroulée très différemment de l’accoutumée, car nous avons chanté les uns après les autres et devant les autres. Ensuite, les autres participants étaient invités à réagir. J’ai d’abord eu un peu peur, mais en réalité, cela a été une expérience très positive. On apprend énormément, et tout le monde était très bienveillant envers les autres. Pour préparer la journée d’audition, on nous avait demandé de suivre le « Discover program » sur le site Internet Friendly Eyes de la coach sportive Jacky Reardon. Elle y effectue une comparaison entre musique classique et sport. On n’y pense peut-être pas très souvent, mais en réalité, donner un concert, c’est comme jouer un match de tennis : sur scène, nous devons nous aussi réaliser des « peak performances », ces moments où il faut donner le meilleur de soi-même. Dans ces instants-là, on doit faire le vide dans sa tête, pour pouvoir se concentrer entièrement sur son interprétation.

 

Comment faites-vous ?

Emma : (rires) Il y a plusieurs manières de le faire. En se montrant bienveillant envers soi-même, en faisant taire la petite voix intérieure autocritique pendant que l’on chante. En réalité, il faut trouver le bon équilibre : d’une part, on veut atteindre le meilleur de son interprétation, mais d’autre part, cette concentration ne doit pas être destructive. Si l’on n’est pas préparé, on pense en permanence : « oh non, ça, ce n’était pas bien » en plein milieu de sa prestation. Il faut donc être bienveillant envers soi-même et envers les autres.

 

Comment cela fonctionne-t-il pour vous, en tant que chef d’orchestre, Rolf ?

Rolf : C’est tout à fait ce que décrit Emma. S’observer avec bienveillance permet de se développer pleinement. Pendant un concert, on peut ainsi franchir ce petit plus, le facteur X. Et cette étape est dans la tête de chacun, bien sûr. Pour un chef d’orchestre, cela fonctionne de la même façon,  il y a le risque de rester bloqué quand on se trompe. Cela se remarque peut-être un peu moins que pour un chanteur, parce qu’il ne produit aucun son, mais on ne doit jamais oublier que l’on est sans cesse en train de donner de soi.

 

Et comment s’est passée votre « audition » ? Avez-vous aussi dû diriger avec 25 candidats ?

Rolf : (rires) Non, heureusement, cela n’a pas été le cas. Lorsque j’ai fait des recherches sur Equilibrium Young Artists, je n’ai trouvé que des auditions pour chanteurs. J’ai donc écrit à Barbara pour lui demander si je pouvais aussi participer en tant que chef d’orchestre. Elle m’a alors invité à assister à une répétition de The Rake’s Progress à Amsterdam. Peu après, j’ai reçu un nouveau message de sa part : son assistant s’était décommandé, et elle voulait savoir si je connaissais bien l’œuvre. Je me suis alors plongé comme un fou dans l’étude de la partition et depuis lors, j’ai été son assistant à plusieurs reprises.

 

Rétrospectivement, que vous a transmis Barbara Hannigan ?

Rolf : Barbara parvient à transformer le moindre son en musique. Je pense qu’en travaillant avec elle, j’ai appris à sonder la profondeur de la musique. À tous les niveaux : non seulement la narration, le sentiment, mais aussi l’atmosphère. En cela, elle est vraiment une magicienne.

Emma : Pour moi aussi, c’est la profondeur qu’elle recherche dans son interprétation. Elle étudie la musique dans les moindres détails. Mais j’ai aussi appris de la manière dont elle mène sa vie. Dans notre domaine, nous sommes sans cesse en déplacement, mais elle semble avoir trouvé une sorte de quiétude dans tout ce chaos. Elle dégage, aussi bien sur scène qu’en dehors, calme et spontanéité, tout en conservant une concentration extrême. Pour mon premier concert avec elle, j’étais très nerveuse, mais une fois que je me suis trouvée sur scène avec elle, mon stress a disparu. Je me suis alors sentie tout à fait à ma place, là, sur cette scène. Je pense qu’elle a cet effet sur de nombreuses personnes.

Rolf : Je pense que sa force réside en effet dans l’honnêteté avec laquelle elle se tient sur scène. Autrefois, il y avait ces chefs d’orchestre autoritaires qui ne souffraient aucune contradiction. Elle, c’est le parfait contraire. Elle fait de la musique avec chacun. C’est une rassembleuse, et pour cette raison, on se sent en sécurité, comme le dit Emma. Je vais sûrement tirer parti de cette honnêteté dans ma pratique de chef d’orchestre. En réalité, c’est comme ça qu’il faut diriger, tel que l’on est. En étant authentique, en osant être soi-même. Et en se faisant confiance dans sa capacité à obtenir ainsi l’adhésion des autres. Chacune des personnes assises devant vous le mérite. Cela semble peut-être une évidence, mais un orchestre est encore souvent considéré comme un instrument, piloté par le chef d’orchestre.

 

Au Klarafestival, chacun de vous interprétera une partie du programme impressionniste Music among Friends. Que provoque en vous la musique de Stravinsky et de Delage ?

Emma : J’aime les poèmes brefs, légers et à la riche atmosphère que Stravinsky a mis en musique dans ses Trois poésies de la lyrique japonaise et ses Deux poésies de Konstantin Balmont. Je chante ainsi une mélodie dans laquelle un pigeon séduit une fleur puis s’envole en l’abandonnant. Je chante la plupart du temps avec un piano ou un orchestre, donc c’est quelque chose de particulier pour moi que de me produire avec une formation de chambre. Dans ces mélodies, Stravinsky crée un univers sonore unique, plein de fantaisie.

Rolf : Maurice Delage a écrit ses Quatre poèmes hindous après être allée en Inde en 1912 ; sa musique est donc parsemée d’influences indiennes. Les histoires sont aussi très belles. La deuxième mélodie, par exemple, parle d’un pin du Grand Nord qui s’endort sous un manteau de neige et rêve d’un palmier sur la côte. Je trouve cela joliment imaginé. La musique est très imagée et très colorée. Je trouve aussi incroyable de diriger Barbara.

 

Trouvez-vous cela captivant ?

Rolf : Captivant, oui, mais d’une bonne manière. Dans cet instant, on ouvre toutes ses antennes. On partage la scène avec des musiciens tellement talentueux, on veut tout simplement bien le faire. J’en ai vraiment très envie!

 

Quels sont vos projets suivants ?

Rolf : Après l’été, je ferai mes débuts à la tête du Rotterdams Philharmonisch Orkest et du Nederlands Philharmonisch Orkest. Je suis vraiment très impatient.

Emma : Après Solar, je ferai mes débuts en Lauretta, dans Gianni Schicchi de Puccini !

Rolf : C’est fantastique, Emma !

 

Ce sont de très beaux projets qui s’annoncent pour vous deux. Bonne chance et à bientôt au Klarafestival !

 

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